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La tarification régressive de l’énergie

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En réponse à mon article de synthèse concernant la proposition de loi sur la tarification progressive de l’énergie, un lecteur, Patrick PIGNON, nous livre son étude extrêmement détaillée et complète sur le sujet. Je la partage à 100%. Il dénonce ce projet qu’il juge inconstitutionnel et injuste.

 

Découvrez son analyse pertinente et chiffrée du Bonus/Malus énergétique, sa critique argumentée et comprenez pourquoi il est urgent de se mobiliser afin de s’opposer à cette nouvelle réglementation sur l’énergie, qui s’apprête à nous toucher tous de plein fouet !

Proposition de loi sur la tarification progressive de l’énergie

Il y a toujours de l’eau dans le gaz et de l’électricité dans l’air éolien.

Après le rejet du texte par le Sénat le 30 octobre 2012, la Commission Mixte Paritaire (CMP) comprenant 7 sénateurs et 7 députés, se réunissait le 19 décembre 2013 pour examiner les dispositions restant en discussion au sujet de la proposition de loi de tarification progressive. Mais la CMP a échoué. Le texte sera de nouveau examiné en commission à l’Assemblée nationale le 9 janvier, puis débattu en deuxième lecture en séance le 17 janvier 2013, dans sa version adoptée en première lecture en septembre.

Il faut dire que les sénateurs opposants au projet de loi de tarification progressive ont eu raison de ratifier le 30 octobre 2012 la motion d’irrecevabilité du texte, tant cette loi est bâclée et contraire au bon sens. Les hérauts annonciateurs d’un nouveau monde écologique et les héros du dogme social n’ont pas convaincu avec cet amalgame socio-écologique aux apparences vertueuses.

La communication gouvernementale martèle sans cesse que « ce texte a vocation à apporter une solution immédiate aux problèmes de précarité énergétique, en étendant les tarifs sociaux à 8 millions de Français ». Cette insistance devient trop voyante. Oui, les foyers en difficulté méritent de la considération et doivent être aidés plus encore. Mais voudrait-on nous cacher la nouvelle fiscalité des malus en faisant un gros plan sur les conséquences sociales de la crise ? Ce fil d’Ariane, qui aurait dû conduire à un projet écologique d’envergure et à un coup d’arrêt à l’inflation intolérable des coûts de l’énergie, s’est transformé en grosse ficelle culpabilisatrice pouvant très bien servir à étrangler la classe moyenne.

Les classes moyennes mises à contribution

Sachant qu’il y a 4 millions de foyers en difficulté et 25 millions de foyers considérés comme aisés – éternel arbitraire des seuils sociaux ! -, la classe moyenne va être mise largement à contribution malgré les déclarations lénifiantes. Une classe qui à moyen terme pourrait devenir très moyenne avec le pilonnage fiscal à venir. Pourtant elle aussi mérite de la considération car elle contribue au financement des aides sociales sans toujours bénéficier d’accompagnements en retour. Les Sans Difficultés Financières, qui sont à la marge, ne doivent pas faire oublier les nombreux foyers précaires, temps partiels, chômeurs, retraités avec une petite pension et handicapés. On ne parle pas assez de cette catégorie d’usagers.

Il y a bien URGENCE SOCIALE mais pas d’urgence législative. Dans un premier temps il est plus simple d’augmenter les contributions sociales des entreprises et particuliers (Contribution au Service Public de l’Electricité (CSPE), pour financer le Tarif de Première Nécessité (TPN) ; Contribution au Tarif Spécial de Solidarité Gaz (CTSSG), pour financer le Tarif Spécial de Solidarité Gaz (TSS) sans oublier de rétablir la prime à la cuve pour le fioul.

Pour fiabiliser et automatiser le TPN et le TSS, le décret 309 du 6 mars 2012 a déjà modernisé l’interface informatique entre fournisseurs d’énergie et Caisses d’assurance maladie lesquelles déclarent les bénéficiaires de la CMU-C, ce qui évite aux ayants droit de remplir des formulaires et permet dès à présent de redynamiser l’aide sociale.

Enfin une réglementation suffit amplement pour étendre le TPN aux opérateurs alternatifs et obliger les fournisseurs à observer la trêve hivernale. Ces solutions efficaces donnent du temps pour mûrir une loi plus juste en consultant tous les acteurs économiques notamment les syndicats et associations de consommateurs. Avec son chantage misérabiliste, l’urgence est devenue suspecte. La mauvaise habitude de la procédure accélérée est injustifiée une fois de plus, sauf à faire passer en force un projet de loi mal ficelé.

Ce projet vite fait sur le gaz, qui s’annonce comme « le premier acte d’une mobilisation générale en vue d’économiser massivement l’énergie », se contredit d’emblée en excluant les 20 % de consommateurs de FIOUL, PROPANE et BOIS, lesquels « ne seront pas inclus à ce stade ». Leur cas risque d’être renvoyé aux calendes grecques. En effet comment mettre en place un système déclaratif de facturation fiable vu la multiplicité des fournisseurs, et surtout où trouver le personnel pour les contrôles ? L’exclusion définitive ou l’intégration tardive pourraient constituer un motif d’inconstitutionnalité que n’a pas relevé la motion d’irrecevabilité.

Il est beaucoup plus facile de surveiller automatiquement les 80 % de consommateurs d’électricité, de gaz et de chauffage urbain via la facturation des fournisseurs d’énergie. Mais alors quid de l’égalité des citoyens devant la loi ? De plus, l’amendement 325 (refusé) a fait remarquer que la loi « ne porte que sur les consommations domestiques et exclut de fait tous les autres secteurs » alors que la consommation énergétique des entreprises, administrations et collectivités locales représente 60 % du total.

La consommation domestique d’électricité, de gaz et de chauffage urbain ne représente donc que 32 % de la consommation globale, et sans les résidences secondaires, elle tombe à 29 %. Bel exemple de mobilisation générale !

L’exclusion des résidences secondaires

Une autre inégalité est l’exclusion des RÉSIDENCES (très) SECONDAIRES du système des bonus/malus – surtout des bonus -, au motif que leur consommation est faible et qu’un cumul de tranches subventionnées est possible avec les résidences principales. Encore une bizarrerie qui va alourdir singulièrement la tâche de l’Administration et des syndics, notamment dans les cas de copropriétés mixtes (habitat principal/secondaire/professionnel), d’achat/vente et de retraite en résidence secondaire devenue principale.

En outre on observe un boom de la construction des résidences secondaires, donc d’immobilier neuf, et un réel effort d’isolation et d’équipement a été accompli. Pourquoi décourager cette bonne disposition écologique ? L’intégration étant beaucoup plus économique au plan national, des amendements ont bien été déposés pour ajouter les résidences secondaires habitées fréquemment, supprimer les bonus ou instituer un forfait malus, mais ont tous été refusés.

On peut imaginer d’autres solutions plus précises, par exemple la création d’une « taxe bonus » visant à contrebalancer les bonus « injustement » perçus : étant donné que les résidences secondaires sont occupées en moyenne 47 jours par an, soit un taux d’occupation de 47 / 365 = 13 %, et que leur parc représente 10 % de l’immobilier, l’addition de leur « grignotage » est donc 10 % de 13 % de la masse totale des bonus, soit 1,3 %. La taxe serait donc égale à cette addition divisée par le nombre de résidences secondaires : 3,15 millions selon l’INSEE.

La taxe pourrait se moduler plus finement en fonction des statistiques de consommation ou du niveau de ressources, mais le principe du forfait simplificateur et peu cher est posé. Il suffirait alors d’inclure cette taxe dans les impôts locaux, un peu comme pour la redevance télé … Cette solution est vraiment une simplification, car d’une part elle utilise un circuit fiscal déjà en place, et d’autre part elle dispense les gestionnaires des bonus/malus et les systèmes d’information d’un lourd processus de différentiation entre résidences principales et secondaires (lequel doit prendre en compte toutes les modifications).

Des technocrates confirmés ont proposé une solution beaucoup plus sophistiquée : consolider dans un même système d’information les consommations principales et secondaires, multi fournisseurs et multi énergies, afin d’appliquer des bonus et malus justes : là, pour le coup, il s’agit vraiment d’une usine à gaz. Qui va gérer un tel système ? Ce n’est pas chaque fournisseur, car il n’a en charge que ses propres productions ; ce n’est pas l’Administration non plus, car elle a justement attribué aux fournisseurs le calcul des bonus/malus. Enfin le coût de gestion et de sous-traitance serait démesuré. L’impossibilité de mise en place de ce système est une chance, car sinon il eût été un redoutable instrument d’inquisition.

On apprend que le Conseil d’Etat a été saisi par le gouvernement sur une éventuelle inclusion des résidences secondaires dans le dispositif du bonus-malus. Il s’agit de mesurer « l’impact et la faisabilité de l’implication des résidences secondaires ou complémentaires (logement étudiants, double résidence pour motif professionnel…) dans le dispositif de bonus-malus dont elles étaient jusqu’alors exclues ».

Ce tardif revirement sur les résidences secondaires confirme l’impréparation et l’incohérence du projet de loi, dont le texte initial disposait pourtant que « les résidences secondaires seront laissées de côté en raison de leur hétérogénéité et parce qu’il n’apparaît pas souhaitable de subventionner l’énergie qui y est consommée, même en quantité modérée ».

Et pourquoi se limiter uniquement aux logements étudiants et aux doubles résidences pour motif professionnel ? Il faut inventorier les différents modes d’occupation, en examinant tous les scénarios possibles. Selon l’Insee, « une résidence secondaire est un logement utilisé pour les week-end, les loisirs ou les vacances. Les logements meublés loués (ou à louer) pour des séjours touristiques sont également classés en résidences secondaires.

La distinction entre logements occasionnels et résidences secondaires est parfois difficile à établir, c’est pourquoi, les deux catégories sont souvent regroupées ». Le logement occasionnel est quant à lui « un logement ou une pièce indépendante utilisée occasionnellement pour des raisons professionnelles (par exemple, un pied-à-terre professionnel d’une personne qui ne rentre qu’en fin de semaine auprès de sa famille) ».

Les tarifs préférentiels des agents EDF GDF

On lit également dans les forums beaucoup de critiques concernant les TARIFS PRÉFÉRENTIELS des 300 000 agents EDF et GDF actifs et retraités, lesquels ne paient que 5 à 10 % de leurs factures de résidences principales et secondaires sans être assujettis aux cotisations sociales. Il est vrai que ces tarifs ont un coût astronomique (pour EDF 2,3 MdE de provisions 2010 ; 2,9MdE en 2011 pour un CA de 65,3 MdE) supporté in fine par les consommateurs ou les contribuables. Le Fisc quant à lui ne récupère qu’une partie de ces avantages en nature, lesquels sont imposés selon un barème libératoire plus avantageux que le taux marginal de l’IR.

La suppression pure et simple du « TARIF AGENT » serait injuste. Quel salarié accepterait la disparition brutale de ses primes ? La diminution rapide ou progressive « en sifflet » des avantages par le relèvement du tarif agent ne serait pas non plus une solution acceptable. Un amendement a été déposé pour relever ce tarif à 50 % de la facture agent, mais a été rejeté. Une solution plus juste a été évoquée dans les blogs : la réintégration des avantages dans le salaire ou les primes. Ce qui irait dans le sens de l’équité tarifaire, fiscale et sociale, mais n’allégerait pas pour autant la facture client, car les charges salariales doivent être équilibrées par les profits. De nombreuses sociétés accordent des avantages importants à leurs salariés, cela fait partie du statut et du pacte social, c’est bien normal.

Le problème pour les fournisseurs et leurs agents réside dans le fait que l’énergie est un bien universellement demandé mettant en jeu des sommes énormes, ce qui attire l’attention de manière récurrente sur un STATUT IEG (Industries Électriques et Gazières) exceptionnel, étonnamment accessible aux nouveaux entrants ! Aucune statistique n’a été rendue publique sur les consommations des agents et d’aucuns disent que le tarif agent n’incite pas aux économies d’énergie, à contresens de l’exemplarité voulue par le projet de loi. Un rapport de la Cour des Comptes aurait évalué la consommation des agents au triple de celle des usagers. A noter que la progression annuelle des provisions n’est pas rassurante, même si les avantages réels sont inférieurs.

On pourrait s’interroger aussi sur la constitutionnalité du statut IEG au regard de la nouvelle loi, vu l’inégalité de contribution devant les charges de la nation.

Quoi qu’il en soit, le tarif agent n’a rien à voir avec le système des bonus-malus qui devrait normalement s’appliquer à tous. On espère que le rejet de l’amendement 506 (**) n’exonère pas les agents des malus.

(**) « Les agents EDF et GDF, y compris quand ils sont en retraite, bénéficient de tarifs très avantageux pour leurs consommations de gaz et d’électricité. Il serait anormal qu’ils ne soient pas concernés par le dispositif. Il est important de le préciser dans la loi ».

La location

La liste des problèmes posés par le projet de loi n’est hélas pas terminée ; d’autres effets indésirables ou délétères sont à craindre : l’IMMOBILIER ANCIEN sera dans la ligne de mire des malus car difficilement améliorable ; les CONTENTIEUX entre LOCATAIRES et propriétaires se multiplieront avec le problème de la répartition des malus, d’autant plus que les diagnostics ne sont pas toujours rigoureux ; l’ABONNEMENT ne manquera pas d’augmenter car les fournisseurs seront les percepteurs des bonus/malus (pour mémoire, les distributeurs d’eau sont déjà rémunérés pour la perception des redevances de prélèvement et de pollution sur les factures d’eau) ; la Caisse des Dépôts devra être rémunérée pour son rôle de trésorier général des bonus/malus ; le suivi et le CONTROLE de 29 millions de foyers demandera beaucoup de personnel et une sous-traitance informatique coûteuse (*) ; le profil socio-économique des consommateurs pourra être exploité massivement par l’Administration et les fournisseurs (**).

Il y a enfin une conséquence logique : les loyers des relocations augmenteront plus vite que prévu, puisque les propriétaires seront poussés plus tôt à faire des travaux d’économie d’énergie. Les locataires en place devront verser une participation aux travaux effectués par les propriétaires, lesquels se rembourseront ainsi les malus des locataires. En face de propriétaires n’ayant pas les moyens ou la volonté de rénover, les locataires devront débourser d’inévitables frais de justice s’ils habitent dans des passoires énergétiques. Moins tu peux payer, plus tu payes ! Par ailleurs, le marché de la location étant très tendu, des négociations avant signature du bail pourraient très bien prévoir oralement le non remboursement des malus au locataire.

Pour ne rien arranger, les PRORATA de bonus ou de malus seront difficiles à calculer en cas de changement de locataire ou de propriétaire. Sachant que les bonus et malus sont décrétés annuellement, quelles parts de bonus ou de malus reviennent au nouvel occupant des lieux pour l’année en cours ? Si par exemple le relevé de compteur à l’entrée est effectué le 1er octobre, sur quel historique de consommation et de météo le fournisseur doit-il se baser pour établir une facturation sur le dernier trimestre ? La question se pose encore plus dans le cas d’une arrivée et d’un départ la même année, ou à cheval sur 2 années incomplètes.

(*) Un marché public d’infogérance pour la mise en place d’une base de données de bonus/malus et la gestion des déclarations coûte au minimum 145 ME par an (coût unitaire de 5 euros pour chacun des 29 millions de foyers) soit le 1/4 du budget de l’Anah ! L’appel à la concurrence européenne étant obligatoire pour un tel montant, il n’est même pas sûr que le titulaire du marché soit français.

(**) En dépit de la vigilance de la CNIL, la déduction du profil client à partir du seul barème des bonus/malus transmis par l’Administration semble possible. La localisation du client est connue, la consommation est connue et donc le mode de chauffage, ce qui simplifie l’analyse combinatoire des critères restants que sont le nombre de membres du foyer et la surface chauffée. Il est très facile de lancer une requête jetable sur une base de données décisionnelle.

Le coût financier de la loi

Sur le plan de l’administration, il faut compter à l’année 1 contrôleur fiscal temps plein pour 15000 foyers (donc environ 1900 contrôleurs), au moins 30000 euros de charges par contrôleur (salaires, charges sociales, bureautique, frais de déplacement, bureaux etc), soit un coût en personnel de 57 ME. En cas de création d’un GIE ad hoc, la charge en personnel administratif et en informatique de gestion interne doit être ajoutée.

Au total le surcoût de gestion est a minima 202 ME, alors que les économies d’énergie escomptées ne sont même pas évaluées ! Cette dépense serait beaucoup plus utile à l’action sociale. On ne parle même pas de la rémunération de la Caisse des Dépôts et de l’augmentation de l’abonnement.

Les logements anciens

Concernant plus précisément le MARCHE de l’ANCIEN, on peut redouter l’équation LOGEMENT ANCIEN = MALUS à VIE, car le projet de loi ignore injustement la question du PLAFOND d’ECONOMIE d’ENERGIE : c’est le gain maximum en isolation et en performance de chauffage et de climatisation qu’il est possible d’obtenir en tenant compte des contraintes techniques (inhérentes au bâti et à la configuration intérieure) et réglementaires (PLU, sites classés, copropriété).

Ce plafond est théorique. Le plafond pratique est soumis à 2 contraintes supplémentaires : financière et esthétique. La dépense doit être proportionnée au profil socio-économique de la commune, à l’état du bâti et au revenu du propriétaire. L’esthétique n’est pas futile, même pour les sites non classés : ira-t-on poser des plaques isolantes sur ce bel immeuble en briques ? Ou sur cette charmante maison en meulière ?

En considérant les 7 paliers A, B, C, D, E, F, G du Diagnostic de Performance Energétique (DPE), et en notant que les travaux sont souvent étalés dans le temps en fonction les possibilités d’investissement du propriétaire, le gain après travaux est d’1 palier dans 72 % des cas, de 2 paliers dans 21 % des cas, et exceptionnellement de 3 paliers ou plus dans 7% des cas, d’après les statistiques de l’Anah. Il ne faut pas non plus transformer l’habitat au delà du raisonnable.

Le marché de l’ancien, dont la majorité du parc immobilier n’est pas en BBC (Bâtiment Basse Consommation), va être dévalorisé par les probables malus qui s’appliqueront au delà de la consommation de base (correspondant à celle d’un logement « bien isolé », sans autre précision que « sobre »).

Certains assurent que le malus ne fera que quelques euros de plus. C’est inexact : pour un dépassement annuel de 10000 kwh, soit 10 mwh, le MALUS pourra atteindre 30 euros par mwh soit 300 euros par an en 2015. Et il n’y a aucune raison pour que les malus arrêtent leur ascension (un amendement heureusement refusé demandait à quadrupler les malus).

L’immobilier ancien n’avait pas besoin de ce coup bas. Par dessus le marché, il a même été envisagé en mars 2012 d’interdire la vente des logements classés F ou G, c’est-à-dire ceux dont la consommation d’énergie est supérieure à 330 kwh/m2/an (*).

Pour les propriétaires d’habitat mal classé, qui sont loin d’être tous des richards et qui ont souvent des emprunts à rembourser, il sera difficile d’atteindre le plafond théorique ; les difficultés financières ne seront pas gommées par des incitations fiscales insuffisantes. De surcroît ce plafond ne donne aucune garantie de bonne conduite écologique (ne pas trop utiliser la tranche « confort » et éviter absolument la tranche « gaspillage »). Même avec la meilleure volonté, ils risquent fort d’être frappés d’un malus à vie. A l’opposé, les BBC, qui profitent déjà d’une exonération temporaire de la taxe foncière, bénéficieront d’un bonus éternel bien inutile puisqu’ils sont déjà aux normes.

Le projet induit donc soudainement une DISTORSION entre IMMOBILIER NEUF ou récent et immobilier ANCIEN. Habiter dans l’ancien résulte d’un parcours et d’un choix de vie qui ne doivent pas être discutables et encore moins sanctionnables. La précipitation du projet, avec sa progression trop rapide des malus, est incompatible avec la grande inertie de rénovation de l’ancien, accentuée par la crise économique.

La motion d’irrecevabilité relève qu’une large partie des malus contraints vont peser sur les familles qui n’ont pas les moyens de procéder aux travaux d’isolation de leur maison.

La notion de plafond d’économie d’énergie révèle une injustice plus sournoise : même en ayant les moyens de faire le maximum de travaux possibles, des malus importants pourront être appliqués, soit parce que le plafond théorique est inatteignable, soit parce que ce plafond n’est atteignable que par paliers, si les travaux trop coûteux doivent être étalés dans le temps. Donc ce ne sont pas uniquement les classes modestes qui vont payer les malus, mais toutes les classes, en particulier les classes moyennes inférieure et supérieure !

(*) Idée antisociale lancée par l’AMORCE, association nationale des collectivités, des associations et des entreprises pour la gestion des déchets, de l’énergie et des réseaux de chaleur. Manifestement, l’impact socio-économique n’a pas été évalué. Doit-on rappeler qu’il existe plus de 7 millions de logements classés F et G d’après l’Anah ?

www.lachaineimmo.tv/revue-de-presse/presidentielle-quelles-propositions-pour-l-immobilier-283.html

Les critères de calcul de la tarification progressive de l’énergie

Venons en maintenant aux CRITERES si contestables qui déterminent les TRANCHES de CONSOMMATION allouées à chaque ménage. C’est en parcourant sur le site de l’Assemblée Nationale la liste interminable des amendements refusés qu’on prend la mesure de l’irrationalité économique des critères et du manque d’humanité du texte.

La zone climatique

Il y a d’abord la ZONE CLIMATIQUE, dont la définition n’est pas donnée dans le projet. Qu’il s’agisse des 8 zones climatiques de la Réglementation Thermique (RT2012), et/ou de la COMMUNE à un niveau plus fin, il semble que le projet ait plaqué sans discernement le modèle californien : le territoire français, s’agissant de son climat et de sa topologie, n’est pas aussi uniforme qu’aux Etats-Unis. Sur une même commune on peut trouver des différences moyennes de 2 degrés, et il faut savoir qu’un degré équivaut à 7 % d’économie de chauffage. Le b.a.-ba de la géographie nous enseigne que l’adret ensoleillé d’une montagne est plus clément que l’ubac à l’ombre (à noter que la RT2012 tient compte de l’altitude), que le froid est accentué dans une vallée humide, sur une colline ventée ou en bord de mer.

Il existe des différences locales encore plus spécifiques : petit immeuble masqué par un plus grand, appartements orientés nord ou sud (toutefois les charges locatives sont mutualisées pour le chauffage collectif), terrain peu drainant favorisant des remontées d’humidité dans les murs, maison isolée en forêt etc.

Le ressenti de froid ou de chaud dépend donc de facteurs environnementaux multiples : nature, qualité et ancienneté du bâti, topologie et nature du terrain, météo, orientation, urbanisation, habitat collectif ou individuel, mitoyenneté. Il dépend aussi de facteurs physiologiques (état de santé, résistance au froid, à la chaleur et à l’humidité) et du mode de vie. Alors de quel droit une bureaucratie peut-elle décréter les tranches de consommations de base, confort et gaspillage pour chaque foyer ? Las, le rejet de l’amendement 33 protestant que « la loi et l’Administration n’ont pas à dire aux citoyens quels doivent être leur choix de vie et leur consommation d’énergie » confirme l’arbitraire technocratique.

L’âge

L’AGE de chaque personne du foyer sera bien pris en compte (pour les jeunes enfants aussi ? à partir de quel âge pour les séniors ? à partir de combien de personnes dans le foyer ?) mais cet effort est insuffisant.

Le nombre de membres du foyer fiscal

Les oukases qui imposeront les tranches vont se baser sur un autre critère tout aussi contestable : NOMBRE de MEMBRES du FOYER FISCAL. Exit les familles recomposées, les gardes d’enfants, les hôtes permanents ou semi-permanents, les parents ou enfants hébergés. Le statut et l’activité sont ignorés et tant pis pour les personnes qui vivent seules ou restent beaucoup à la maison : célibataires, veufs, divorcés, chômeurs, retraités, entrepreneurs individuels et artisans, télétravailleurs, personnes malades ou handicapées (seul l’appareillage lourd sera pris en compte pour ces dernières).

Le projet ne tient compte ni du nombre exact de personnes logées, ni du mode d’occupation du logement, et reste muet au sujet de la répartition des charges fixes et variables.

Sur ce dernier point, le projet dit que les tranches de consommation sont fonction du nombre de personnes, tout en étant incapable de chiffrer distinctement la part des charges fixes (notamment la quantité minimale de chauffage pour entretenir le logement, et aussi la quantité minimale pour chauffer au moins 1 personne) et la part des charges variables (ex : pièce à chauffer en plus, eau chaude, blanchisserie). Devant la grande diversité des modes de vie, de quel chapeau va-t-on tirer le surplus de consommation alloué à chaque personne supplémentaire ?

Le mode de chauffage

Poursuivons avec le critère MODE de CHAUFFAGE (électricité, gaz, chauffage urbain) : si la consommation est mixte, le partage se fera arbitrairement selon la règle 50/50. Avec des consommations mixtes électricité/fioul, propane ou bois, ou bien gaz/bois, aucune péréquation n’est prévue.

La surface chauffée

Le dernier critère, la SURFACE CHAUFFEE, est déséquilibré : seuls les immeubles collectifs sont pris en compte, l’attribution des tranches étant fonction de la surface chauffée en commun (*). L’habitat individuel est curieusement exclu, contrairement à la RT2012. Sachant que les études thermiques évaluent toujours la consommation en kwh/m2/an, cela ressemble à une provocation. Ainsi « les personnes veuves habitant seules dans des maisons de taille importante mais n’ayant pas forcément de revenus importants » seront sanctionnées par un malus, l’amendement 277 ayant été rejeté ; elles n’ont qu’à vendre après tout ! Les parents dont les enfants sont partis seront également pénalisés, de même que les paysans isolés dans une grande ferme.

(*) En cas de chauffage collectif sans compteurs individuels, les charges sont réparties entre tous les locataires ou copropriétaires selon des règles internes à l’immeuble ou au lotissement (notamment en fonction de la surface, du volume ou du tantième). Les bonus et malus seront-ils répartis entre occupants gaspilleurs et vertueux selon ces mêmes règles ? Aucune réponse dans le projet de loi.
Voir l’Arrêté du 27 août 2012 relatif à la répartition des frais de chauffage dans les immeubles collectifs à usage principal d’habitation, en application du décret du 23 avril 2012.

Des dysfonctionnements manifestes

On peut conclure en disant que l’expertise des nombreux spécialistes auditionnés lors de la conception du projet n’a vraisemblablement pas été mise à profit.

Le DIAGNOSTIC de PERFORMANCE ENERGETIQUE, qui n’est pas toujours fiable, aurait dû faire l’objet d’une révision en profondeur (**) allant au-delà des améliorations prévues début 2013, et tenir compte de l’environnement immédiat de l’habitat et de ses particularités locales.

La PEREQUATION TARIFAIRE, c’est-à-dire le principe de solidarité territoriale selon lequel le tarif est identique sur l’ensemble du territoire national (loi du 10 février 2000), a été piétinée sans état d’âme, alors qu’il est vain d’espérer que le critère géographique et le diagnostic actuel soient assez pertinents pour prétendre à une plus grande équité tarifaire.

Enfin la CLIMATISATION est la grande oubliée dans l’attribution des tranches de consommation, sachant que les personnes âgées ou malades et les jeunes enfants notamment ont besoin en été d’une atmosphère fraîche à l’arrivée de canicules ou dans les zones climatiques chaudes, en particulier les DOM.

(**) Pour que le diagnostic donne une idée exacte des charges, il faut rendre obligatoire la présentation, par les propriétaires vendeurs ou loueurs, d’un historique récapitulatif normalisé de la consommation du compteur sur 2 ans au moins, et également l’envoi de cet historique par les fournisseurs sur simple demande du propriétaire ou du locataire. Anonyme, l’historique ne doit faire mention que du numéro de compteur et de l’adresse du bien.

Le DPE amélioré sera applicable à partir du 1er janvier 2013 mais sa nouvelle version ne tient toujours pas compte de l’environnement immédiat de l’habitat. Par ailleurs il reste non opposable et par conséquent les propriétaires et locataires parfois surpris par des factures excessives n’ont aucun recours contre le diagnostiqueur. Les critères du DPE ont été étendus et les logiciels corrigés, mais hélas cette nouvelle couche technique ne suffit pas pour garantir les droits du consommateur, en particulier lors de l’achat d’un logement.

Le SIGNAL PRIX du tarif progressif

Analysons à présent le SIGNAL PRIX du tarif progressif, sensé diminuer notablement la consommation énergétique d’après le projet de loi.

Le RAPPORT 70, annexé au texte, présente une argumentation spécieuse soutenant que le prix de l’énergie est actuellement dégressif en raison du coût fixe de l’ABONNEMENT lui-même dégressif en deçà de 20 kVA – ce qui inciterait à consommer plus -, et aussi que les puissances élevées sont demandées par des gros consommateurs de « confort » ou de « superflu ».

Cette approche est très discutable. Le prix comprend un coût fixe : l’abonnement, et un coût variable : celui des kwh consommés. Bien sûr, plus la consommation augmente, plus le coût de l’abonnement par kwh est relativement bon marché.

Pour les foyers aisés Et peu économes, la consommation est faiblement corrélée à la dégressivité et à l’abonnement, qui ont peu d’importance.

Dans le cas général de tous les autres foyers, économes par principe ou par obligation, le prix de l’énergie, même s’il est arithmétiquement dégressif, est ressenti économiquement comme progressif puisque l’abonnement est un coût contraint incompressible et que le coût variable augmente plus que proportionnellement à la consommation avec l’inflation du kwh. Aussi on ne peut pas dire que le prix de l’énergie soit dégressif alors que le consommateur subit à la fois le coût fixe et le coût variable ; les kwh ne sont pas des biens librement négociables qui permettraient d’amortir l’abonnement. Les augmentations incessantes induisent évidemment des comportements de plus en plus économes.

S’agissant plus précisément de l’abonnement en électricité, les puissances élevées à partir de 9 à12 kVA ne sont pas réservées qu’aux foyers privilégiés et n’entraînent pas, bien au contraire, une augmentation de la consommation. Dans des appartements ou des maisons tout électrique, un radiateur demande entre 500 et 2000 w, un chauffe-eau 2000 w, une cuisinière 3000 w et on arrive vite à 9-12 kVA avec les autres appareils. On a bien ici un abonnement à coût élevé incompressible correspondant à un profil de gros consommateur « obligé ».

A noter que certains abonnements ont une puissance surdimensionnée, suite à une transformation du mode de chauffage ou à une amélioration de l’équipement ou de l’isolation ; les fournisseurs ont là leur rôle de conseil à jouer en proposant spontanément une puissance de compteur inférieure. Par ailleurs des associations ont proposé que l’abonnement ne soit pas disproportionné au regard de la consommation et qu’il soit modulé progressivement en fonction des kwh fournis et non pas de la puissance nominale du compteur.

Que dire alors de l’EFFET INCITATIF des BONUS-MALUS sur les TRANCHES de CONSOMMATION ?

Le rapport 70 prétend que cette incitation sera déterminante pour diminuer la demande, sans fournir de preuve ou pré-étude ni aucune statistique française.

Il se contredit en imaginant que la tranche de base pourrait encourager la consommation grâce à son tarif attractif avec bonus (c’est le supposé EFFET REBOND) : « Si un consommateur diminue sa consommation de 1 000 kWh et que sa consommation est située dans la tranche inférieure, le bonus diminue lui aussi. Si sa consommation est supérieure à la tranche concernée par le bonus, seul le malus a un effet ».

Sachant que cette tranche sera sûrement ric-rac et n’avantagera que les logements en BBC ou peu habités, la consommation sera très vite soumise au malus dans la tranche confort ; et puis l’avantage à consommer plus dans une tranche de base sous utilisée est faible puisque le pourcentage de bonus n’est pas aussi mirifique que cela (*). Mais alors les malus de la tranche confort seront bien incitatifs ? Eh bien non ! Le rapport signale qu’en Californie la réduction de la consommation globale proviendrait pour une grande part d’une petite fraction des ménages à forte consommation. Au final, la démonstration économique du rapport n’est pas convaincante et se perd en conjectures.

La conclusion la plus vraisemblable est la suivante : premièrement la crise économique, l’inflation du coût de l’énergie, l’augmentation des loyers et de la pression fiscale sont des freins majeurs de la consommation domestique, point n’est besoin de loi pour diminuer la demande énergétique (à noter que ces freins rendront très marginal l’effet rebond précité) ; deuxièmement le signal malus est peu efficace car il ne vaut surtout que pour les gros consommateurs non contraints ou les quelques consommateurs proches des seuils ; troisièmement les malus sont de nouveaux coûts variables incompressibles pour les consommateurs contraints (sauf à engager très rapidement des travaux le plus souvent coûteux).

Donc que faire pour inciter les gros consommateurs non contraints à économiser vraiment ? Rien. La proposition de loi a pris soin de ne pas taxer la surconsommation en fonction du critère trop facile du niveau de revenu (**). Elle n’a pas non plus reconsidéré le tarif agent IEG et continue à le protéger. Quant aux critères qui déterminent les tranches et malus, on a vu plus haut qu’ils sont inapplicables car déconnectés des réalités économiques, énergétiques et sociales. Il est illusoire de penser qu’une péréquation bureaucratique de critères même très précis soit suffisante pour décréter un mode de vie et un niveau de consommation.

Petite devinette récréative : sachant que la VOITURE ELECTRIQUE est un modèle d’écologie, comment éviter les malus en cas de recharge à domicile ?

Pour l’instant le nouveau compteur Linky ne prévoit pas d’intégrer une borne murale de recharge. Faut-il installer un compteur « vert » distributeur de bonus, et y connecter la borne ? Si le projet de loi accordait une rallonge de consommation au propriétaire, serait-elle fonction de la zone géographique (dans ce cas il faudrait payer plus cher sa mobilité au sud de la France) ou sinon forfaitaire ? Et comment contrôler les recharges à l’extérieur lorsque les malus seront au plus haut ?

(*) Il faut bien comprendre que les bonus seront faibles pour une majorité de foyers. De plus il y a 1 seule tranche avec bonus mais 2 tranches avec malus. Le consommateur ne doit pas se réjouir trop vite au sujet des bonus de la tranche de base qu’on lui fait miroiter, et rien ne dit que la tranche « confort » sera assez généreuse pour éviter la tranche « gaspillage ». La réalité sera probablement décevante : Mini bonus, MAXI MALUS (ce dernier faisant beaucoup plus que la moyenne annoncée de 30 euros).

La motion d’irrecevabilité a d’ailleurs épinglé le texte de loi en faisant remarquer le flou de la tarification entretenu par des renvois ultérieurs à la réglementation : « en vertu de l’article 34 de la Constitution, qui dispose que « La loi fixe les règles concernant […] l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures », il appartient au législateur de ne pas se déposséder de son pouvoir au profit, dans les domaines qui relèvent de sa compétence, d’un renvoi au pouvoir réglementaire ».

(**) L’un des motifs de la motion d’irrecevabilité est que la tarification progressive, qui s’apparente à une réelle taxe, est contraire à l’article 13 de la Déclaration de 1789, en vertu duquel l’effort fiscal doit croître avec l’importance des ressources. Or « la proposition de loi ne respecte pas ce principe, en faisant peser une large partie des malus contraints sur les familles qui n’ont pas les moyens de procéder aux travaux d’isolation de leur maison ».

Si la présente analyse insiste effectivement sur l’injustice qui pèse sur ces familles, elle n’approuve pas pour autant la progressivité des malus en fonction du revenu, et propose plutôt une fiscalité transverse à assiette large. Cette approche est cohérente avec la taxation de l’essence : chaque consommateur paie une TIPP en fonction de sa consommation et non pas en fonction de ses revenus, tandis que le service public et les aides sociales corrigent les inégalités de contribution.

Une objection serait de dire que l’essence n’est pas taxée en fonction des revenus parce que le consommateur est considéré comme anonyme, contrairement aux cas de l’électricité ou du gaz distribués via des compteurs, et aussi parce que ses revenus sont inconnus ou non contrôlables au moment de l’achat. On peut répondre que la progressivité rapide de l’impôt direct compense la proportionnalité des taxes sur la consommation – sauf à reconsidérer une fois encore la vitesse de cette progressivité -, et que le contrôle permanent et omniprésent est une atteinte aux libertés.

Cependant il faut souligner le rôle majeur, à l’attention de tous les consommateurs, de l’EDUCATION et de l’INFORMATION. L’éducation dès l’école, notamment l’éducation civique, est fondamentale car elle induit les comportements du futur. Les cours de physique et de technologie doivent insister plus encore sur les pertes énergétiques, les solutions d’économie et les possibilités de la domotique. Le conseil technique, diffusé par l’ADEME (réseau des Espaces Info Energie, banque de données sur les équipements), les collectivités locales, les réseaux sociaux, l’ANAH, les associations, les fournisseurs et les médias, doit être complété par un accès plus facile aux diagnostics énergétiques et aux études thermiques. Le DPE hors vente doit être mieux subventionné par le crédit d’impôt et gratuit pour les foyers en difficulté ; l’AUDIT ENERGETIQUE, plus précis, doit être subventionné par le crédit d’impôt et réglementé sur les tarifs.

Plus encore que les prix, les comportements et les mauvaises habitudes influent nettement sur l’augmentation des dépenses d’énergie. Un bon exemple est une étude récente de l’USH (Union Sociale de l’Habitat) et de la Caisse des Dépôts, qui alerte sur les dérives des consommations des HLM en BBC .

Les dégradations et les consommations abusives de certains locataires expliquent en partie les écarts entre les économies prévues et réalisées : entre 10 et 20 % dans le neuf, et entre 20 et 30 % en réhabilitation. Les bailleurs sociaux, les locataires et les médiateurs devront maîtriser l’augmentation des loyers et éviter l’apparition inopportune de malus que le projet de loi n’a pas prévu.

Le systeme redistributif

Examinons dans ce qui suit le SYSTEME REDISTRIBUTIF et les ACCOMPAGNEMENTS prévus explicitement ou non par le texte, d’ailleurs peu disert au sujet des aides.

On constate malheureusement que le projet de loi ne résout en rien la question de l’inflation de l’énergie, pour le gaz en particulier.
Toutefois, la tarification étant très adaptable avec ses 6 curseurs (3 tranches de base, confort et gaspillage, 1 taux de bonus et 2 taux de malus), les augmentations pourront être imputées sur les tranches confort et gaspillage pour limiter le mécontentement social. Car en lisant bien le texte, il est prévu que les tarifs sociaux appliquent un bonus +, et aussi un malus réduit ou pas de malus. Certains ont même proposé un élargissement des tranches de base et une extension des abonnements gratuits ou réduits.

Là ce n’est pas normal et l’AMALGAME SOCIO-ECOLOGIQUE n’est plus acceptable.

Sur le plan écologique, tout citoyen doit être sensibilisé aux mêmes principes de loi ; la précarité énergétique et le manque d’information allant souvent de pair avec la précarité tout court, l’action des réseaux sociaux doit être encouragée avec des budgets nettement plus conséquents.

Sur le plan de la solidarité, le projet consiste en une nouvelle répartition des coûts énergétiques, en faisant supporter par les seuls consommateurs considérés comme aisés à la fois les aides sociales, leur propre malus éventuel, les abus de certains consommateurs et les augmentations des fournisseurs.

A noter que la CSPE et la CTSSG, qui ne sont pas du tout supprimées dans le nouveau système, vont se surajouter aux malus et alourdir la facture.
De surcroît un 7ème curseur amplifiera encore la charge des usagers solvables : la hausse des plafonds de la CMU-C, qui entraînera automatiquement l’accroissement du nombre des ayants droit aux tranches de consommation subventionnées.

Les fournisseurs d’énergie quant à eux sont favorables à la tarification progressive puisqu’elle va permettre l’augmentation de l’abonnement pour leur rôle de percepteurs de bonus/malus, et surtout résorber les impayés embarrassants des foyers modestes. De plus l’ajout de bonus et de malus sur la facture vont la rendre moins lisible et masquer ainsi les hausses du kwh et des taxes.

On n’ose croire que ce mécanisme soit le VRAI MOTIF de la proposition de loi. Ce n’est pas aux seuls usagers solvables de financer une charge sociale croissante ni l’inflation des tarifs de première nécessité.

Le gouvernement a annoncé la montée en puissance du nombre de bénéficiaires sociaux : à moyen terme, 4 millions de foyers sur 29 millions, soit 13,8 % des foyers, ce n’est pas rien. Le texte prévoit bien une analyse d’impact sur les ménages (seulement après la mise en place de la tarification ; il ne s’agit pas d’une pré-étude qui logiquement aurait dû précéder la loi), mais quelles garanties ont ces usagers pour leur pouvoir d’achat ? Leur facture va-t-elle être supportable ?

Une FISCALITE REDISTRIBUTRICE à assiette beaucoup plus large doit être mise en place afin d’éviter les excès de l’imposition indirecte des malus, des contributions sociales et autres taxes.

On rappelle que les contributions – CSPE et CTSSG – ne compensent actuellement que 10 % de la facture des foyers précaires au dessous des plafonds de la CMU-C. En outre la CSPE a augmenté de 133 % en 18 mois, mais seulement 2% de son volume sert au soutien des plus démunis. Enfin les provisions 2012 de la CTSSG, qui s’élèvent à 35,8 ME, profiteront à 505000 foyers ; avec 4 millions de foyers bénéficiaires à terme, il faudrait provisionner 8 fois plus soit 286 ME pour couvrir seulement 10 % des factures.
Les accompagnements

Concernant les accompagnements, les AIDES FINANCIERES accordées ne seront pas à la hauteur de l’ambition de rénovation du parc, si l’on suit le développement ci-après (Quel est réellement l’état du parc immobilier français ?). Ni les budgets alloués globalement ou annuellement, ni le rythme de traitement des dossiers ne permettront d’absorber rapidement l’énorme besoin en équipement et en travaux, ce qui annonce une inquiétante PERENNISATION des MALUS.

Pour terminer sur les accompagnements, l’article 6 du projet de loi veut promouvoir un SERVICE PUBLIC de la PERFORMANCE ENERGETIQUE de l’HABITAT lequel prévoit :

Le résultat de ces missions d’assistance, de conseil et d’alerte est constaté dans un « RAPPORT » bien tardif : « Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur la création d’un service public d’aide à la réalisation de travaux d’efficacité énergétique.

Le résultat de ces missions d’assistance, de conseil et d’alerte est constaté dans un « RAPPORT » bien tardif : « Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur la création d’un service public d’aide à la réalisation de travaux d’efficacité énergétique des logements résidentiels ».

Ce fameux rapport, dont on ignore les grandes lignes de bilan et d’action, a un contenu très vague : il « définit les différents volets du service public de la performance énergétique de l’habitat » et « les modalités d’implication des collectivités territoriales et des autorités organisatrices de la distribution publique d’énergies de réseau mentionnées à l’article L. 2224-34 du code général des collectivités territoriales dans le service public de la performance énergétique de l’habitat et la répartition de leurs compétences respectives ».

Mis à part le système d’alerte, on ne voit pas bien la valeur ajoutée de ce Service public, qui semble faire double emploi avec beaucoup d’institutions déjà en place, dont celles citées ci-dessous. S’il s’agit d’une superstructure financière, le projet ne définit pas les apports budgétaires autres que les aides listées précédemment, ni les moyens humains. Espérons que ce n’est pas un machin bureaucratique de plus, une sorte de faire-valoir pour donner plus de connotation sociale et de consistance à un projet qui en a peu, et qui va coûter cher en postes de fonctionnaires et en sous-traitance informatique.

Sur le plan de l’ASSISTANCE, il faut souligner que le programme « HABITER MIEUX » (www.anah.fr/habitermieux) cible déjà les foyers les plus modestes ; il s’appuie sur une politique de repérage par l’ANAH des ménages en grande difficulté, grâce au relai des collectivités locales et des acteurs de terrain.

Le réseau RAPPEL (Réseau des Acteurs de la Pauvreté et de la Précarité Energétique dans le Logement) annonce sur www.precarite-energie.org que « le programme SLIME proposé par le CLER à l’occasion du premier appel à projets CEE lancé par la DGEC en mars 2012 a été retenu. Il est destiné à accompagner les dispositifs de lutte contre la précarité énergétique au niveau local, en se concentrant sur le volet détection et conseil personnalisé aux ménages modestes, via des visites à domicile. Concrètement, cela signifie que les collectivités engagées financièrement dans ce type d’actions pourront “récupérer” une partie des sommes investies (environ 30%) via le dispositif des CEE, en intégrant le programme SLIME. Le programme a été définitivement validé par la DGEC fin octobre, et devrait faire l’objet d’un arrêté ministériel courant décembre 2012. Le premier appel “officiel” à candidature pour le programme SLIME sera lancé, a priori, début 2013 par le CLER ».

Sur le plan du CONSEIL, les délégations locales de l’ANAH oeuvrent depuis longtemps au sein des Directions départementales (www.anah.fr/les-aides/conditions-generales) pour l’accompagnement des politiques locales et l’aide à la programmation budgétaire.

De son côté l’ADEME organise des campagnes de sensibilisation, diffuse des guides pratiques (notamment avec sa banque de données sur les équipements) et offre un conseil de proximité via son réseau des Espaces Info Energie.

Quant au système d’ALERTE proposé, il se rapproche informatiquement de l’interface entre caisses d’assurance maladie et fournisseurs d’énergie, visant à identifier les ayants droit des tarifs de première nécessité. En effet les Caisses informent les Fournisseurs lesquels informeront dorénavant l’Anah. Alors pourquoi les Caisses ne communiqueraient pas également avec l’Anah ? On voit qu’une informatique moins cloisonnée et plus efficace reste à mettre en place, qui mutualiserait les flux d’indicateurs entre tous les organismes.

Il faut dire que la proposition de loi, qui entrevoit dès à présent les conséquences désastreuses de sa logique punitive de malus, propose un bien « modeste » système d’information. L’occasion était pourtant rêvée de mettre en place un référentiel beaucoup plus ambitieux.

Car il n’est pas difficile de repérer les grands axes du tableau de bord national : nombre de logements par type de logement, par palier de diagnostic, par profil socio-professionnel et par profil socio-économique ; coût de la rénovation effectuée et budget à prévoir par type de logement, par palier, par profil, par type de travaux et par type d’aide (subventions, éco-ptz, prêts travaux, CIDD) etc.

Les producteurs d’information (ANAH, CPAM, collectivités, associations, réseaux sociaux, caisses de retraite, fournisseurs d’énergie, banques, INSEE, ADEME etc) devraient être mieux guidés pour alimenter en flux continu une base de données décisionnelle, à la source de toutes les alertes, de tous les « rapports » et statistiques nationales utiles au gouvernement et aux acteurs socio-économiques.

Administrativement enfin, la procédure d’alerte manque de préparation. Le fournisseur va informer l’Anah en lui transmettant les coordonnées et le profil du client en difficulté, et grosso modo le contenu de sa facture avec peut-être son historique de consommation et d’impayés. Mais pour obtenir une aide de l’Anah il faut constituer un dossier dont l’instruction n’est pas immédiate. De plus aucune prévision de charge n’est indiquée, le projet de loi n’ayant pas fait de pré-étude statistique. L’Anah risque d’être assaillie de demandes qu’elle ne pourra traiter rapidement, sans compter les problèmes budgétaires. En outre les alertes produiront des doublons de dossiers si les fournisseurs n’ont pas un minimum d’information sur les aides en cours ou passées.

Quel est réellement l’état du parc immobilier français ?

A cette question, les statistiques officielles disent que 50 % du parc se situe dans la tranche A à D de l’échelle des diagnostics énergétiques, et les autres 50 % dans la tranche E à G.

Mais le réseau de diagnostiqueurs Ex’Im (site pfipro.fr) a lancé en 2011 une enquête dont les résultats sont moins optimistes : le parc est énergivore, 80 % des logements étant classés D, E, F ; leur consommation varie entre 151 et 450 kwh/m2/an. La moyenne de tous les logements confondus est E, soit 240 kwh/m2/an. Les Bâtiments Basse Conssommation (BBC) classés A et B sont rares.

Pour chiffrer a minima le COUT GLOBAL de la RENOVATION – c’est-à-dire sans prendre en compte les résidences secondaires et en restant optimiste sur l’état de l’immobilier -, reprenons l’hypothèse que 50 % du parc est dans la tranche E à G. Sur les 33 millions de logements (source INSEE) dont 27,7 millions de résidences principales, il faut donc rénover en priorité 13,85 millions de logements. Or en moyenne le coût de la rénovation est de 15077 euros par logement (selon les chiffres ci-dessous de l’Anah). Le coût total a minima de la rénovation est donc de 13,85 millions de fois 15077 euros, soit le montant colossal de 208,8 MdE.

En effet, si l’on reprend les chiffres clés 2011 de l’Agence Nationale de l’Habitat (Anah), celle-ci a distribué 388 ME de subventions (sous conditions de ressources) pour financer les travaux et études de 72958 logements, correspondant à un volume global de travaux éligibles de 1,1 MdE. La subvention moyenne de 5318 euros n’est que le tiers de la facture des améliorations laquelle s’élève à 1,1MdE / 72958 soit 15077 euros par logement. A noter que le montant moyen des aides est de 2539 euros pour les syndicats de copropriété, de 3477 euros pour les propriétaires occupants très modestes et de 25228 euros pour les propriétaires bailleurs à loyer très social. Pour un gain énergétique supérieur à 50 %, le montant grimpe à 31000 euros.

Ces chiffres ne sont pas étonnants. Quelques exemples de prix : combien coûte au minimum une chaudière gaz à condensation avec l’installation ? 5000 euros. Un poêle à bois avec la tuyauterie ? 6000 euros. Une simple fenêtre à double vitrage ? 700 euros. Un volet roulant ? 600 euros. Un velux sur toit ? 1500 euros. Une isolation de combles ? 6000 euros. Une porte d’entrée isolée ? 1500 euros. Une porte de garage ? 2000 euros etc.
Pour revenir au bilan de l’Anah, ses louables efforts de traitement de 72958 dossiers ne représentent pourtant qu’un pourcentage faible des 50 % des 4 millions de foyers sociaux qu’il faudrait aider en priorité, soit 3,6 %.

Concernant le logement social et les HLM, le parc locatif des bailleurs sociaux comprend 4,65 millions de logements et il faut donc en rénover en priorité 50 % soit 2,325 millions.

L’USH évalue à 28000 euros le coût moyen de la rénovation, financé à 68 % par des éco-prêts sur fonds d’épargne, à 18 % par des subventions (dont 9 % de collectivités) et à 14 % par les fonds propres. Les éco-prêts s’appuieront sur l’épargne du livret A et le Fond Européen de Développement Régional (FEDER).

Le coût global de la rénovation est de 2,325 millions fois 28000 euros soit 65,1 MdE.

Si l’on applique en théorie les pourcentages précités, le coût des prêts serait de 44,3 MdE et celui des subventions de 11,72 MdE dont 5,86 MdE en tout ou partie à la charge de l’Anah.

L’Union Sociale pour l’Habitat (USH) fournit le chiffre de 102000 logements rénovés en 2010-2011, soit 51000 logements par an. On est loin de l’ambition du quinquennat de rénover 1 million de logements par an, objectif revu récemment à la baisse avec 500000 logements.

Les ECO-PTZ sont quant à eux distribués par les banques sans conditions de ressources. Pour un total de 667,5 ME en 2011 (soit 172 % du total de l’Anah), leur moyenne de 16992 euros est le triple de la moyenne des subventions de l’Anah. Mais leur nombre a diminué de moitié par rapport à 2010 : 37152 prêts dont 36867 en bouquet de travaux et seulement 285 en performance énergétique. Le coût moyen des travaux est de 20710 euros, supérieur à celui de l’Anah.

Même si les éco-prêts à taux zéro sont gratuits pour ce qui est des intérêts et des frais de dossier, ils souffrent des habituels freins à l’obtention de n’importe quel prêt bancaire : le niveau d’endettement par rapport au revenu, l’état de santé pour l’assurance décès-invalidité et l’âge confronté à la durée du prêt (les retraités de plus de 70 ans seront donc désavantagés). De plus, les éco-prêts doivent, comme leur nom l’indique, être remboursés.

Les objectifs de Grenelle visent l’attribution de 400000 éco-prêts pour la période 2013-2020, soit 50000 prêts par an ; le déficit actuel est donc de 13000 prêts par an.

le Crédit d’Impôt de Développement Durable

Poursuivons avec le Crédit d’Impôt de Développement Durable (CIDD), lequel a été raboté en 2012, avec des taux d’intervention en nette baisse par rapport à 2011 (*). En 2012, 1,4 MdE de CIDD auront été accordés à 1 million de foyers, soit 1400 euros en moyenne par foyer, d’après le rapport 3805 de l’Assemblée Nationale (site www.senat.fr/commission/fin) ; ces 1,4 MdE de 2012 sont à rapprocher des 2 MdE de 2011. Chute libre en 2013, avec seulement 900 ME accordés.

(*) de plus les bouquets de travaux deviennent contraignants : par exemple pourquoi ne pas subventionner en maison individuelle le seul remplacement des fenêtres, si le propriétaire ne peut payer plus ? C’est mieux que rien.

Autre accompagnement de l’Etat cité dans le RAPPORT 70 du projet de loi : le programme national « HABITER MIEUX » 2010-2017, qui dispose d’un budget de 1,35 MdE ; 500 ME proviennent de l’Etat au titre du Grand Emprunt et sont affectés Fonds d’aide à la rénovation thermique des logements privés, 600 ME sont injectés par l’Anah sur son budget propre et 250 ME sont apportés par les fournisseurs d’énergie. Visant à aider 300000 ménages à réaliser des travaux de rénovation thermique, il est orienté vers les propriétaires occupants.

S’il semble ambitieux à première vue, le programme ne met à disposition que 169 ME par an. De plus l’INSEE précise que 57,8 % des 27,7 millions de ménages sont propriétaires et le programme ne traite donc qu’une petite partie du parc.

Les budgets en baisse de l’Ecologie (- 13 %, soit 8,4 MdE en 2013) et du CIDD confirment le manque de volonté politique d’accélérer l’amélioration énergétique des foyers.

Seule embellie dans ce tableau sombre, les interventions de l’Anah, qui jusqu’à présent n’étaient pas récompensées par des dotations de l’Ecologie toujours en baisse (556 ME en 2010, 471 ME en 2011, 415 ME en 2012), vont pouvoir se déployer en 2013 grâce à un budget de 600 ME en hausse, réalimenté providentiellement par le produit des cessions des quotas carbone.

Les accompagnements divers sont les subventions (sous conditions de ressources) et prêts des collectivités locales, des réseaux sociaux, des CAF et des Caisses de retraite, les éco-prêts LDD et PAS sans taux zéro des banques, et enfin les programmes de solidarité des fournisseurs (Fonds de Solidarité Logement, réseau RAPPEL) et leurs opérations promotionnelles.

En l’absence de statistiques consolidées sur les aides à l’investissement, on peut évaluer le nombre de bénéficiaires actuels à 300000 par an (72958 dossiers Anah + 37152 dossiers éco-ptz + 20 % des CIDD) et le montant moyen d’aide à 2100 euros, soit un total annuel d’aides de 630 ME, à la hauteur du budget 2013 de l’Anah.

Le chèque énergie

Reste l’épargne des français pour financer une partie de la rénovation du parc.
Fin août 2012, l’encours du livret A atteignait 232 MdE et celui du LDD 72 MdE. Le placement moyen est de 3354 euros, très inférieur au coût moyen de la rénovation de 15077 euros par logement.

Une nouvelle proposition de loi du 12 décembre vise à instituer un « CHEQUE-ENERGIE d’une valeur faciale de 100 euros par mois, à destination des salariés, dont 40 à 60 % de la somme serait pris en charge par l’employeur, ainsi qu’un chèque-énergie à vocation sociale, qui serait alloué par les collectivités locales aux personnes rencontrant des difficultés sociales et en situation de précarité énergétique ».

L’article 1er « crée un nouveau titre dans le code de l’énergie visant à instituer le chèque-énergie à destination des salariés. Le chèque-énergie aurait la nature d’un titre spécial de paiement remis par l’employeur aux salariés. Les salariés pourraient présenter les chèques-énergie auprès des distributeurs de carburants au détail, des entreprises de fourniture et de distribution d’énergie, des entreprises dont l’activité concourt à l’amélioration de la performance énergétique du logement, ainsi que des entreprises de distribution ou d’installation d’équipements fonctionnant aux énergies renouvelables ».

« L’article 2 institue, dans le code des collectivités territoriales, un chèque-énergie à vocation sociale que les collectivités locales, les EPCI et les CCAS pourraient remettre, dans le cadre de leurs actions sociales et de secours, aux personnes qui rencontrent des difficultés sociales et sont en situation de précarité énergétique. La valeur faciale du chèque-énergie « social » serait modulée de façon à permettre aux collectivités de tenir compte des différentes situations des bénéficiaires, tant économiques que sociales ».

Même si cette proposition de loi a des intentions louables, on peut formuler les réserves suivantes :

  1.  l’emploi non salarié (2,4 millions de postes) n’est pas pris en compte ;
  2. le cas des sans emploi (dont les chômeurs) considérés comme non précaires n’est pas traité ;
  3. les employeurs devront assumer de nouvelles charges importantes. Sachant qu’il y a environ 24 millions de salariés d’après INSEE et 10 % de chômeurs, le nouveau prélèvement sur les entreprises est potentiellement de 40 euros fois 12 mois fois 90 % de 24 millions, soit 10,4 MdE. Bien sûr, parmi les 3,4 millions d’entreprises dont 1,1 million avec au moins 1 salarié, toutes ne vont pas distribuer des chèques énergie. Mais en période de crise leur nombre risque d’être très supérieur aux 122000 entreprises qui utilisent les tickets restaurant ;
  4. comme ce prélèvement est une charge déductible de l’impôt sur les sociétés, et qu’il est exonéré de cotisations sociales, les contribuables devront en retour supporter des hausses de taxes énumérées à l’article 4 de la proposition ;
  5. les nouvelles charges sociales des collectivités locales ne sont pas évaluées. Si l’on compte 1 seul chèque de 100 euros à l’année pour 4 millions de foyers en situation de précarité, on arrive déjà à 400 ME, soit les 2/3 du budget de l’Anah ;
  6. le chèque-énergie sera probablement plus utilisé pour régler les dépenses courantes que pour financer l’investissement. Toutefois c’est dans un premier temps une alternative efficace aux bonus/malus pour traiter le problème de la précarité énergétique .

Le coût de la rénovation énergétique

Pour résumer cette abondance de chiffres, on peut affirmer que le coût a minima de 208,8 MdE pour la rénovation de 13,85 millions de logements devra être étalé sur une longue période qui dépasse largement un quinquennat. En outre l’ambition de traiter toujours plus de dossiers se heurtera à une charge administrative et un besoin en personnel sans cesse croissants. D’aucuns disent qu’il faudra deux générations pour venir à bout de cette immense entreprise de rénovation !

On dit bien « coût a minima », car en considérant l’hypothèse pessimiste que 80 % du parc des 27,7 millions des résidences principales doit être rénové sur la base d’un coût moyen par logement de 28000 euros d’après l’USH, on arrive à 620,5 MdE. En incluant les résidences secondaires et les logements vacants, soit un total de 33 millions de logements, l’iceberg du coût total de la rénovation domestique culmine à 739,2 MdE.

LOGEMENT ANCIEN = MALUS à VIE

En conséquence de l’insuffisance budgétaire, et vu l’inertie et le coût de la rénovation du parc immobilier, les MALUS constitueront une SOURCE INÉPUISABLE de financement des tranches de base subventionnées, ce qui confirme le mauvais présage LOGEMENT ANCIEN = MALUS à VIE.
Certains commentateurs, qui craignaient un tarissement du subventionnement des tarifs sociaux, suite au zèle déployé par les propriétaires pour éviter les malus, seront rassurés par cette manne de nouveaux impôts indirects.

Le rapport 70 a bien saisi cette opportunité en envisageant de financer par les malus les travaux d’amélioration des foyers modestes (*). Le système des bonus-malus sera globalement équilibré (**), mais cela ne veut pas dire que les charges des différentes catégories de consommateurs seront équilibrées !

(*) Même avec de bonnes intentions, le financement de l’investissement par les malus ressemble à un détournement de fonds, puisqu’en principe les malus ne doivent servir qu’à subventionner les tarifs de première nécessité. Si la rénovation de l’habitat social devait être financée par les malus, son coût a minima de 65,1 MdE (selon les chiffres de l’USH, voir plus haut) serait une lourde charge pour les 25 millions de foyers au dessus des seuils sociaux : en moyenne chacun d’eux devrait débourser un super malus d’au moins 2600 euros.

(**) Le projet de loi n’ayant pas fait de pré-étude, il faut que les malus équilibrent absolument les bonus la 1ère année, pour ne pas léser la trésorerie des fournisseurs-percepteurs ; par sécurité, un surplus de malus sera probablement décrété, qui ne sera pas obligatoirement remboursé par les bonus de la 2ème année.

le COUT de l’ENERGIE

Abordons maintenant un sujet sensible, le COÛT de l’ENERGIE.

Le prix du gaz

Le présent article n’a pas pour prétention de commenter les avis d’experts largement diffusés, mais donne quelques échos sur la façon dont la proposition de loi a « résolu » le problème du coût de l’énergie, notamment pour le gaz.

Des associations de consommateurs se sont élevées avec véhémence contre les augmentations incessantes du gaz (+ 33,6 % depuis 2008) et les recours répétés au Conseil d’Etat, demandant un audit de la formule tarifaire et de la réalité des coûts d’approvisionnement de GDF-Suez (qui profiterait du marché spot alors que les consommateurs supporteraient les coûts moins avantageux du marché LT), refusant l’indexation du gaz sur le pétrole, et exigeant des mesures sociales pour aider les foyers précaires.

Le problème essentiel du prix du gaz est son indexation sur les cours du pétrole, instituée au départ pour couvrir les importants investissements tout en restant en deçà des augmentations du fioul concurrent. L’amendement 268, demandant qu’« à compter du 1er janvier 2013, les coûts d’approvisionnement du gaz naturel ne sont pas fonction des produits pétroliers » a été déposé, juste pour voir. Refusé, évidemment. Des économistes ont proposé une nouvelle indexation sur les cours de l’électricité mais sans résultat.

Historiquement, les contrats d’importation de gaz sont des contrats de long terme dans lesquels l’importateur endosse le risque volume, en prenant l’engagement de payer même les volumes non utilisés (clause de take or pay), tandis que le producteur endosse le risque prix dans une formule d’indexation tenant compte des cours du fioul lourd et léger, du brent et de la parité euro/dollar. Ces contrats, qui ont toujours sécurisé l’approvisionnement, s’avèrent aujourd’hui trop chers devant la concurrence imprévue du gaz non conventionnel aux Etats-Unis et la croissance des capacités de liquéfaction de gaz naturel (GNL) dans le monde. Cependant la renégociation de clauses adaptées à de longues périodes de 10 à 25 ans n’est pas si simple et la désindexation ne pourra venir que progressivement.

Le prix du gaz (+ 80 % depuis 2004) a suivi grosso modo l’évolution des cours du pétrole mais l’on pourrait s’interroger sur cette apparente normalité sachant que les coûts d’approvisionnement ne représentent que 48 % du total.

L’autre gros problème interne est l’intéressement aux bénéfices, car l’Etat est le premier actionnaire de GDF Suez avec 36% du capital, d’où un mélange des genres avec une trop timide gouvernance des prix aux yeux de beaucoup de consommateurs, quelles que soient les majorités qui se sont succédées. Ces derniers reprochent également une certaine fonctionnarisation de l’organisation et conséquemment un manque de dynamisme dans la renégociation des contrats.

Le tarif réglementé du gaz va encore augmenter de 2,4 % au 1er janvier 2013 pour 10 millions d’usagers mais la concurrence est atone : on ne peut espérer tout au plus qu’un rabais moyen de 6 % (maximum 12 %). Car les opérateurs alternatifs, qui s’approvisionnent auprès des mêmes producteurs et utilisent les mêmes réseaux de transport, ne peuvent jouer que sur les habituels marchés LT et spot, sur quelques clauses de leurs contrats d’approvisionnement, de stockage et de distribution, sur leurs frais de gestion et les charges de personnel notamment le « tarif agent ». De plus ces concurrents suiveurs, qui n’ont pas la puissance d’achat de GDF, n’ont pas intérêt à trop s’éloigner des tarifs réglementés pour conserver leurs marges.

Regroupés au sein de l’ANODE, ils envisagent un nouveau recours devant la Commission Européenne au motif que la concurrence est asphyxiée par la réforme des tarifs du gouvernement et que ce dernier se garde la possibilité de geler réglementairement les tarifs, ce qui interdit tout recours au Conseil d’Etat.

Une surtarification des entreprises financerait une sous-tarification des particuliers, tandis que la formule tarifaire ne reflèterait pas complètement le coût de revient du gaz et déstabiliserait la stratégie d’approvisionnement de la concurrence. Enfin, l’actualisation des tarifs, qui serait mensuelle au lieu d’être trimestrielle, masquerait la réalité des hausses et « entraînerait un surcoût dans la mise en œuvre. Ce serait très compliqué d’appliquer un tarif différent chaque mois sur les factures et le client aurait du mal à s’y retrouver ».

Par ailleurs on apprend que GDF ne va pas baisser ses tarifs pour enrayer la baisse de ses ventes de gaz et du nombre de clients, bien au contraire.

Dans son bulletin bimensuel n° 18 ( www.cre.fr/presse ), la CRE – Commission de Régulation de l’Energie – annonce que le tarif de distribution de gaz va augmenter de 6%. « La baisse des volumes de gaz distribués par GrDF joue en effet mécaniquement à la hausse sur le tarif : les coûts de réseau à couvrir augmentent alors que le tarif qui les finance porte sur des volumes de gaz distribués qui diminuent ». Mais que le client se rassure car « Entre 2013 et 2015, l’évolution prévue du tarif (de distribution) resterait proche de l’inflation (hors aléas transitant par le CRCP) malgré le tassement des volumes acheminés sur les réseaux de GrDF et les investissements dans la sécurité du réseau ». Ouf !

Nb: « la CRE fixe le tarif rémunérant les services de GrDF, filiale du groupe GDF Suez qui distribue 96% du gaz en France. Pour un ménage raccordé, le tarif de distribution de GrDF représente environ 19% de la facture de gaz annuelle TTC ».

A juste titre, les consommateurs ont souvent la désagréable impression d’être exploités à la fois par l’opérateur historique et par les opérateurs alternatifs, qui prétendent jouer le jeu de la concurrence et défendre le pouvoir d’achat, mais qui cherchent de fait à « harmoniser » une tarification accessible aux seuls initiés, dont on ne sait vraiment pourquoi elle doit toujours se renchérir sans jamais baisser au moins une fois. Gaz de Bordeaux s’apprête à alléger ses tarifs de 3 %, cela pourrait inspirer les autres opérateurs !

Concernant le manque d’information chronique sur la formation des prix, les consommateurs ont toujours exigé un contrôle plus strict des approvisionnements et du coefficient de conversion du m3 de gaz en kwh. Pour répondre à leurs souhaits, le nouveau mécanisme de pondération et d’actualisation tarifaire sera enfin soumis à la concertation avec les associations de consommateurs, avant décision du Premier ministre. Un rapport annuel et public, qui sera demandé à la CRE sur les contrats d’approvisionnement des fournisseurs, va également dans le sens de la transparence. Mais ces dispositions seront-elles suffisantes ?

A court terme, malgré une conjoncture à la baisse, on ne peut hélas espérer qu’une hausse modérée des prix réglementés du gaz, suite à l’optimisation des contrats d’approvisionnement et de la formule tarifaire à partir de 2013, à l’augmentation de la part du marché spot dans la pondération des prix, et en raison d’une conjoncture déprimée en Europe.

Comme il a été dit plus haut au sujet du système redistributif, les hausses des tarifs seront supportées essentiellement par la classe moyenne, en particulier les usagers se situant juste au dessus des seuils sociaux. En effet, « la vérité des prix s’applique à tout le monde », a répété le PDG de GDF Suez. Mais comme ce dernier reste plus attaché à la lutte contre la précarité énergétique qu’aux profits de sa société, il s’est empressé de préciser que les tarifs sociaux seront étendus dans un 1er temps par voie réglementaire, et dans un 2ème temps par l’introduction du système des bonus-malus.

A moyen terme, le gaz de schiste, qui n’est pas incompatible avec les énergies renouvelables, est une manne à ne pas dédaigner. La France serait assise sur un matelas d’or noir, notamment sous le bassin parisien. Outre atlantique, la renaissance industrielle et énergétique des Etats-Unis est fantastique : en exploitant son gaz et son pétrole de schiste, ce pays déjà auto-suffisant en gaz va devenir selon l’AIE le plus gros producteur de pétrole en 2017 et exportateur net de brut autour de 2030.

Le boom du gaz de schiste rime avec compétitivité, emplois et croissance, surtout dans l’industrie chimique et pétrochimique, qui profite de la chute du prix du gaz 4 fois moins cher qu’en Europe. Certes, ce gaz non conventionnel a parfois conduit à des excès avec sa technique de fracturation, et des nappes phréatiques ont été souillées. Mais de manière inattendue il y a eu aussi des répercussions environnementales positives. En effet, les émissions de gaz à effets de serre ont diminué de 8% depuis 2006, car des centrales électriques au charbon ont été remplacées par des centrales au gaz moins polluantes et plus rentables, avec en prime une baisse importante du prix de l’électricité.

Mais le rêve s’arrête là. Dans un marché français si peu concurrentiel voire captif, le consommateur a droit à une communication claire sur les coûts de l’électricité, du gaz et du fioul, et sur les prix pratiqués par les différents fournisseurs d’énergie, que ce soit en tarif réglementé ou en offre de marché. Il est anormal de supporter les hausses successives sans broncher et sans aucune explication officielle.

Aussi, pour compléter voire remplacer le « Service public de la performance énergétique de l’habitat », un « OBSERVATOIRE PUBLIC du PRIX de l’ENERGIE » serait bien utile, en visant plusieurs objectifs : vulgariser la problématique opaque du coût de l’énergie, des cours du pétrole, des approvisionnements et des taxes, en intégrant les conclusions du rapport annuel de la CRE ; mettre à disposition des citoyens un tableau de bord internet en temps réel des consommations et coûts énergétiques par région et par foyer (notamment pour maîtriser les pointes) ; fournir un comparateur de prix entre concurrents ainsi que les courbes d’évolution de leurs tarifs d’abonnement et de consommation (en historique et en prévision) ; fournir les taux, assiettes et courbes d’évolution des différentes taxes qui plombent les factures, avec le détail de leurs utilisations (éolien, photovoltaïque, social etc).

On n’insistera jamais assez sur le rôle déterminant de l’INFORMATION pour analyser et maîtriser la consommation et les prix, et sur la nécessaire montée en puissance d’INTERNET dans les tableaux de bord des ménages. Les compteurs dits intelligents pourront contribuer aux économies d’énergie en permettant un calcul en temps réel de la consommation et de la facturation ; on souhaite qu’ils soient gratuits et respectueux de la vie privée. L’annonce des pointes et des surconsommations sur internet ou par SMS serait un réel progrès.

Le prix de l’électricité

Dernière nouvelle pour l’ELECTRICITE : Les factures ont augmenté de 2,5% au 1er janvier 2013, en raison de la hausse de la CSPE, la taxe qui finance les énergies renouvelables (59% du total en 2013), l’électricité produite par cogénération, les surcoûts de l’électricité dans les îles non connectées au réseau national (Corse, DOM et autres territoires) et aussi les tarifs sociaux (TPN).

La CSPE va ainsi passer de 10,5 à 13,5 euros du mwh, alors que la CRE a estimé qu’elle aurait dû passer à 18,80 euros. Les consommateurs évitent pour l’instant une soudaine augmentation de l’ordre de 7% du prix ttc de l’électricité mais ce n’est qu’un sursis.

Le PDG d’EDF a lancé la curieuse idée de faire partager les hausses de la CSPE par les usagers du gaz. Ben voyons ! On rappelle que ces usagers ont déjà supporté des hausses incessantes bien plus fortes que celles de l’électricité. Et puis pourquoi instituer une taxe sans rapport avec l’électricité, qui sera appliquée essentiellement aux clients qui se chauffent au gaz (7 millions de foyers), alors que le chauffage électrique est tant décrié ? Il faudrait savoir. Quelle énergie faut-il choisir pour éviter à l’avenir une nouvelle taxe surprise ? Le gaz sert aussi à produire de l’électricité et dans ces conditions, pourquoi ne pas instituer symétriquement une contribution au gaz sur les factures d’électricité ?

Dans un contexte décidément électrique, la proposition de loi cherche à fourguer au passage des amendements en faveur du lobby éolien permettant d’implanter sans restriction des parcs d’EOLIENNES. En plus du mitage des campagnes et de la pollution visuelle et sonore, cette nouvelle mesure va alourdir la fiscalité indirecte de la CSPE dont le déficit atteint déjà 5 MdE. Le combat contre les moulins n’est pas vain et doit se poursuivre.

Le TARIF PROGRESSIF de l’EAU

Pour finir et couronner le tout, le projet veut placer en 2013 un TARIF PROGRESSIF de l’EAU par tranches qui posera autant de questions (*) que le tarif progressif de l’énergie, en plus des problèmes réglementaires et constitutionnels. Dans le calcul de la nouvelle facture hydraulique, les critères envisagés sont la composition fiscale de la famille et le niveau de ressources. Le type d’activité, le type d’habitat et la surface du terrain n’ont rien à voir. Les usagers promenés en bateau vont boire la tasse sans pouvoir arroser leurs jardins.

Pourtant il existe déjà la loi Cambon, promulguée en février 2011 et entrée en vigueur le 1er janvier 2012. Elle institue une solidarité entre tous les consommateurs en créant un dispositif d’aides aux 100 000 familles ayant des difficultés à payer leur facture d’eau. « Les services d’eau et d’assainissement peuvent allouer 0,5% de leurs recettes aux fonds de solidarité pour le logement (FSL) départementaux. A la demande des maires, les FSL peuvent aider les foyers, dont la facture excède 3% des revenus, à régler leurs impayés. Ce système donne un rôle central aux maires en les plaçant au cœur du dispositif d’aide sociale, grâce à une approche de proximité, simple et efficace. Disposant des informations sur les familles via le Centre communal ou intercommunal d’action sociale (CCAS ou CIAS), c’est lui qui saisit le FSL » (cf site www.sedif.com).

(*) toutefois la question du prix de l’eau n’est pas aussi critique ; en particulier les charges fixes incompressibles hors abonnement sont moins importantes que celles de l’énergie. Par exemple l’arrosage du jardin ou le nettoyage des parties communes, nécessaires quel que soit le nombre de copropriétaires ou de personnes au foyer, sont en général moins coûteux que le chauffage d’une maison, d’un appartement ou d’un immeuble.

Conclusion sur la loi de tarification progressive de l’énergie

Pour diminuer artificiellement le coût de l’énergie de première nécessité, le projet de loi a imaginé une ruse grossière en instituant la fiscalité déguisée des malus sur les tranches de consommation de « confort » et de « gaspillage ».

Il a choisi la voie de la facilité en frappant « préférentiellement » les seuls consommateurs domestiques d’électricité, de gaz et de chauffage urbain, en délaissant les usages de fioul, gpl et bois, et en n’osant pas affronter le gisement d’économies d’énergie qu’il faudrait faire au niveau des entreprises, administrations et collectivités locales.

En appliquant des critères aussi injustes que contestables pour déterminer arbitrairement les consommations de chaque foyer, le projet va appauvrir la classe moyenne de propriétaires qui n’ont pas les ressources pour rénover, et de locataires qui ne peuvent se permettre ni un habitat BBC ou sobre ni des actions contre les propriétaires aisés.

En faisant supporter par les seuls usagers au dessus des seuils sociaux le poids croissant des tarifs de première nécessité, le projet augmente la pression fiscale sur des contribuables déjà imposés à un taux progressif, au lieu d’élargir l’assiette de contribution sociale à tous les acteurs économiques ; par manque de courage politique, il se décharge sur les gentils consommateurs pour adoucir la pauvreté et les méchants fournisseurs pour appliquer la double peine des malus, au lieu de proposer une fiscalité énergétique beaucoup plus ambitieuse et redistributrice afin de faire face aux défis écologiques et sociaux.

Les budgets en baisse de l’Ecologie et des collectivités locales ne pourront financer qu’une part encore plus maigre de l’énorme besoin de rénovation de l’habitat, et en même temps les malus redistribués ne pourront assurer qu’une faible proportion de la consommation des classes pauvres. De surcroît les éco-prêts et les crédits d’impôts accordés aux classes moyennes resteront nettement insuffisants au regard du coût très élevé de la rénovation.

Au lieu de reprendre « énergiquement » le contrôle des prix, le projet se contente de répartir inéquitablement la charge de fonctionnement sans alléger résolument la charge d’investissement.

Outre les MOTIFS d’INCONSTITUTIONNALITE relevés par la motion d’irrecevabilité, on peut avancer d’autres motifs tout aussi valables :

  1. l’exclusion des consommateurs de fioul, propane et bois
  2. l’exclusion des entreprises, administrations et collectivités locales
  3. la mise à l’écart de tout ou partie des résidences secondaires
  4. la protection bienveillante du « tarif agent »
  5. le financement des nouvelles aides sociales par les seuls consommateurs solvables, en particulier ceux de la classe moyenne inférieure
  6. la pérennisation des malus appliqués aux consommateurs qui ne pourront jamais atteindre le plafond théorique d’économie d’énergie
  7. l’inutilité des bonus accordés aux BBC neufs (à distinguer des logements devenus BBC suite à d’importantes rénovations)
  8. la prise en charge par les consommateurs solvables des abus de certains consommateurs précaires
  9. l’inégalité de traitement entre habitat collectif et individuel au sujet de la surface chauffée
  10. l’absence de règles de répartition des bonus et malus dans les immeubles où il est techniquement impossible de mesurer ou moduler la chaleur fournie dans chaque local
  11. la non prise en compte du nombre réel de personnes qui habitent dans un même logement
  12. la valeur technique toujours discutable du DPE, pourtant fondamental dans les contrats de location et la répartition des malus
  13. la non prise en compte des besoins en climatisation
  14. les prorata de bonus et de malus non définis
  15. l’insuffisance budgétaire programmée, à contre-courant des ambitions de rénovation du parc immobilier
  16. le coût du projet, disproportionné par rapport aux économies d’énergie escomptées

En définitive, le démon bureaucratique a comme d’habitude ignoré les réalités économiques et sociales, en se délectant de banalités du genre « ce projet est complexe mais nécessaire » ou bien « ce projet présente des imperfections mais il a le mérite d’exister » ou encore « l’analyse montre que le dispositif peut fonctionner : c’est l’essentiel ».

La complexité continue d’exercer sa fascination – c’est complexe donc impressionnant donc séduisant donc élégant donc réfléchi donc juste – et rivalise avec la sursimplification. Perdue dans sa nébuleuse de gaz, la bureaucratie persiste dans un mauvais équilibrage entre simplicité et complexité : les concepts simples sont inutilement compliqués, tandis que les concepts qui mériteraient d’être élaborés sont abordés de manière simpliste.

Ce projet de loi est prématuré, incomplet, étriqué, pusillanime, flou, inadapté, injuste, compliqué, simpliste, incohérent, coûteux et dangereux. Il faut absolument s’y opposer.

Patrick PIGNON.

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